Acte 2

Le Lien2019 - 2020

 

On prend beaucoup de plaisir à observer Catherine Hiegel et Pierre Palmade. Ils sont subtils et audacieux. On est ému. Touché au cœur.
Le Figaro
Armelle Héliot

Savamment écrite par Bégaudeau, savamment montée par Panchika Velez, la pièce, permet à Catherine Hiegel de prodiguer une fois de plus sa sensibilité sèche, bougonne, mais poignante. Accordons à Pierre Palmade le mérite de tenir le choc. Sans sermon, par pure déduction et pure émotion, Bégaudeau incite à ne pas jeter la tendresse filiale à la poubelle.
Nouvel Obs Jacques Nerson

La grande Catherine Hiegel apporte à ce personnage son corps tremblant d’humanité. Pierre Palmade l’incarne avec une fiévreuse complexité. Cette exploration au scalpel des liens familiaux interpelle chacun d’entre nous. On peut tous se projeter dans ces relations universelles, reconnaître certains de nos travers, certaines impasses où l’on s’enferme et, qui sait, peut-être, arriver à en sortir.
La Croix

François Bégaudeau est très fort ! Il est servi par des acteurs spectaculaires, mis en scène d'une main de fer par Panchika Velez. Du grand art.
Paris Match

Catherine Hiegel et Pierre Palmade sont formidables de vérité et d’humour. 

Philippe Tesson



La pièce

Une mère et son fils se parlent. La mère pense qu’ils se parlent, le fils ne le pense pas. Parler, pour elle, est aussi simple que ça, mais pour lui non. Le fils est compliqué, le fils coupe les cheveux en quatre. Le fils est un intellectuel, le simple ne lui va pas. Il se lève pour partir, et ne part pas. Que ça lui plaise ou non, il est bien né d’une mère... Mais alors comment défaire ce lien indéfectible ?

«Stéphane déjeune chez sa mère. L’acte qui lance l’échange, ou les hostilités, est à la fois anodin et symbolique : il se lève de table. Et ne veut plus se rasseoir. Il ne peut plus tenir cette conversation. Cette absence de conversation. Il va partir, dit-il, partir et ne plus jamais revenir. Une heure vingt plus tard, il est encore là.

Qu’est-ce qui le retient ? Quel argument irrésistible, et non formulé, s’oppose aux argu- ments parfaitement pertinents formulés par Stéphane pour étayer son désir de rompre le lien ? Christiane le sait : c’est ce lien même. Christiane n’a qu’une chose à dire à son volubile rejeton, une chose intellectuellement faible et organiquement forte : elle est sa mère, il est son fils. Ce lien les unit, les attache, les ligote, les emprisonne, les protège, les rassure, les irrite, et font d’eux des comparses à vie.»

 

François Bégaudeau

«Pour matérialiser la confrontation au plus juste, pour exprimer sa vitalité réjouissante, Christiane la mère possède rugosité et sensibilité mêlées. Stéphane, son fils réunit intel- ligence solide et fragilité aigüe. Françoise, l’amie de la mère est une boule d’humanité généreuse, un levier. Comme terrain de jeu, l’appartement de Christiane tend presque à disparaître à certains moments pour céder la place à l’essentiel : les mots et les corps.

Le lien évoque le cordon ombilical, les ancrages familiaux indéfectibles. L’une des qualités de l’auteur, pour moi fondamentale, est de poser cette question de l’attachement avec la force du simple. L’humour, code de langage coutumier des personnages, contrebalance leur incapacité à communiquer. Il les conduit aussi par instants à oublier le conflit, à laisser vivre la douceur, la tendresse, l’amour.»

 

Panchika Velez


de François Bégaudeau
mise en scène Panchika Velez
avec Catherine Hiegel, Pierre Palmade
et Marie-Christine Danède

décor Claude Plet
lumières Marie-Hélène Pinon
costumes Marie Arnaudy
musiques originales Bruno Ralle pour Baloo Productions
assistante mise en scène Mia Koumpan


 Armelle Héliot
Mère et fils en un combat touchant Catherine Hiegel et Pierre Palmade dans un face-à-face subtil et audacieux sur la scène du théâtre Montparnasse.
Ses cheveux blonds et mousseux sont comme les traces d’une enfance mal éteinte, d’une jeunesse lumineuse. Christiane, le personnage de mère de la pièce de François Bégaudeau, est incarnée par une comédienne ultrasensible et vive que le public a applaudie des dizaines d’années durant à la Comédie-Française, avant de la retrouver dans le circuit privé parisien. Catherine Hiegel face à Pierre Palmade, dans Le Lien, c’est une affiche !
Lui, avec sa grande carcasse et son visage d’oiseau tombé du nid, n’est pas seulement l’auteur drôle et piquant des seuls en scène ou des parcours avec ses sœurs de tréteaux, Muriel Robin, Michèle Laroque. Il est également un comédien aigu et profond qui avait beaucoup impressionné le public et la critique dans Home du Britanique David Storey mis en scène, et joué avec lui, par Gérard Desarthe, en 2015, au Théâtre de l’œuvre. Catherine Hiegel ne s’y est pas trompée qui a eu l’idée de cette rencontre sur les planches. Catherine Hiegel ne s’y est pas trompée qui a eu l’idée de cette rencontre sur les planches. Elle connaissait la pièce qu’elle avait lue à Théâtre Ouvert il y a plusieurs mois. Palmade a dit oui. Et les voici, face-à-face.
« Ni avec toi, ni sans toi »
C’est une très belle rencontre. Il est le petit dernier de cette femme simple, travailleuse, qui a été employée de la poste et qui sait bien qu’elle le préfère aux deux aînés… C’est qu’il n’est pas comme les autres. Il est devenu écrivain. Il est connu. Il lui rend visite par devoir, crispé, exaspéré, agressif. Elle n’a jamais osé lire les livres de ce rejeton qu’elle admire. Pourtant, lorsqu’il était petit, elle le conduisait à la bibliothèque. Elle est l’initiatrice à la littérature. Mais il ne veut pas le savoir. Il a honte. Elle, comme toutes les mères apeurées par leur progéniture, elle s’enferre dans des considérations prosaïques. Ce qu’elle maîtrise au quotidien les courses, la vie comme elle va.

François Bégaudeau commence sa pièce par un très long monologue de Christiane. Lui, Stéphane, est tellement énervé qu’il ne veut même pas terminer le déjeuner. Il veut tout casser, briser, claquer la porte. Faire souffrir sa mère.

Un duel classique, mis en scène par Panchika Velez. C’est le « ni avec toi, ni sans toi » de toute passion douloureuse. Il est dommage que le décor de Claude Plet soit si terne, si froid, comme les costumes. Cela éteint un peu la représentation qui donne le sentiment de patiner. Arrive Françoise, l’amie, incarnée par la formidable Marie-Christine Danède, habillée de jaune. Un rayon de soleil qui détend l’atmosphère.

Si on aime le jeu, on prend beaucoup de plaisir à observer Catherine Hiegel et Pierre Palmade. Ils sont subtils et audacieux. On est ému. Touché au cœur.

Fabienne Pascaud

D’Œdipe roi à Britannicus, de Hamletà La Mère(Florian Zeller), les relations mère-fils n’ont cessé de nourrir le théâtre. Parce que les auteurs, en majorité masculins, y avaient des comptes à régler avec leur génitrice ? François Bégaudeau s’inscrit dans la lignée. Le Lienmet face à face une modeste retraitée de la fonction publique (Catherine Hiegel) et son écrivain de fils (Pierre Palmade) venu déjeuner avec elle. Et la mère parle sans fin de choses anodines, dans un flux exaspérant de détails quotidiens de rien. Pour masquer le vide ? Pour cacher sa gêne face au fils qui a réussi, fréquente désormais d’autres milieux que le sien, navigue dans des territoires intellectuels qu’elle peine à aborder ? Le fils s’exaspère de l’absence de questions qu’une vraie mère aimante devrait lui poser sur sa vie. Il enrage de ce qu’il croit indifférence. Le déjeuner dégénère et ce « lien-là » se tend jusqu’à se rompre… Quelle est la relation adulte des fils à celle qui les a fait naître, puis a fait d’eux les hommes qu’ils sont devenus, machos ou non ? Dans le sobre décor d’une salle à manger, François Bégaudeau décortique le rapport ogre de la mère au fils sans qu’on ne sache plus qui mange qui. Catherine Hiegel est exceptionnelle de vérité, de force, de détresse sous l’humour, face à un Pierre Palmade étonnant de rigueur dramatique. Elle bouge peu, parle beaucoup, manie les silences et les regards en sorcière de la scène, horripilante et bouleversante, pudique et extravertie.

 

 Jacques Nerson

De pièce en pièce François Bégaudeau, révélé par son roman « Entre les murs » (Editions Verticales, 2006), s’affirme comme dramaturge. Il sait d’instinct insuffler la vie à ses personnages. Cela se vérifie encore ici où est abordé le lien, ténu mais infrangible, qui continue d’attacher un fils à sa mère, même quand il croit ne plus l’aimer.
Stéphane est venu de Paris chez Christiane, à qui il rend régulièrement visite à Rennes. A table l’ancienne employée des PTT soliloque. Elle raconte dans le détail à son fils que, le rayon fromage du supermarché étant fermé, elle s’est servie chez un autre fromager, ce qui explique que le chèvre n’ait pas le même goût que d’habitude. Stéphane déclare tout à coup qu’il va s’en aller, se lève, enfile son blouson.
Ce n’est pas le chèvre, il n’en a pas mangé, c’est la logorrhée de sa mère qui ne passe pas. L’inintérêt absolu d’un récit qui ne tient aucun compte de son interlocuteur. N’a-t-elle donc aucune curiosité pour son fils ? Pourquoi, alors que ses livres ont du succès, n’en a-t-elle jamais lu un seul ? S’ils n’échangent plus que des banalités, pourquoi ne pas trancher un lien aussi relâché ?
Si Christiane a moins de facilité à s’exprimer que son intello de fils, elle n’en proteste pas moins de son amour maternel. Elle est fière de Stéphane. Si elle n’ose pas ouvrir les livres qu’elle lui demande pourtant de lui envoyer, c’est qu’elle craint de ne pas les comprendre. Là-dessus débarque une de ses vieilles copines (Marie-Christine Danède) et pfut ! la crise de nerfs retombe comme un soufflé.
Savamment écrite par Bégaudeau, savamment montée par Panchika Velez (la metteuse en scène du « Mec de la tombe d’à côté »), la pièce, permet à Catherine Hiegel de prodiguer une fois de plus sa sensibilité sèche, bougonne, mais poignante.
Sans sermon, par pure déduction et pure émotion, Bégaudeau incite à ne pas jeter la tendresse filiale à la poubelle. Aussi rouillée qu’elle paraisse, parfois elle résiste à tout. Même à l’incommunicabilité.

log-lacroix
Dans la pièce « Le Lien », l’écrivain François Bégaudeau explore la difficulté de communiquer au sein de la famille. La pièce s’ouvre sur un long, très long monologue. Celui d’une femme, Christiane, (Catherine Hiegel) d’origine modeste, retraitée, assise à table, en fin de repas. Des propos décousus qui ne semblent guère intéresser son grand fils Stéphane (Pierre Palmade), assis en face d’elle, silencieux. Pire : le trentenaire se lève, agacé, annonce qu’il va écourter sa visite et partir. Partir pour ne plus revenir.
Le salon d’un petit appartement de province devient le théâtre, ou plutôt le ring, d’un combat au cours duquel certains mots frappent comme des coups de poing. Le fils reproche avec véhémence à sa mère de ne pas s’intéresser à lui, de ne pas lui poser de questions sur sa vie, son métier d’écrivain, de ne pas lire ses livres. Le cadet est devenu un intellectuel parisien connu. De passage à Rennes, à l’occasion d’un événement littéraire, il en profite pour voir Christiane. À chaque fois, le fossé, semble-t-il, se creuse un peu plus. Et toujours le fils bute sur un paradoxe. Pourquoi supporte-t-on de sa famille ce que l’on ne supporterait pas de ses amis ? Et en déduit, cinglant : « La famille est une zone de non-droit. »
Tension familiale et rire bienvenu
Dans le périmètre étroit de cette relation filiale, chaque protagoniste semble parler une langue différente. Pour lui faire prendre conscience de leur absence de dialogue, Stéphane prend des exemples du quotidien, emploie des métaphores. Mais Christiane prend tout au pied de la lettre, et refuse de comprendre. Son premier degré et son entêtement font enrager le fils et suscitent l’hilarité parmi les spectateurs, pas fâchés d’alléger la tension parfois oppressante de cet affrontement. Au torrent d’ingratitude fait homme, cette femme au cœur simple oppose avec un bon sens absolu sa place originelle de mère, son amour inconditionnel et viscéral qui n’a pas besoin de mots pour s’exprimer. On sent qu’elle se fait violence pour dire tout haut ses sentiments dans un monde où il est plutôt d’usage de les taire.
Une exploration au scalpel des liens familiaux
La grande Catherine Hiegel apporte à ce personnage son corps tremblant d’humanité, blessé par l’esprit cynique d’un fils. Pierre Palmade l’incarne avec une fiévreuse complexité, écartelé entre son désir de rompre le lien et l’impérieuse nécessité de s’y soumettre.
Tous deux remontent les flots tumultueux de leur histoire filiale, avant de connaître une certaine accalmie, avec l’arrivée de Françoise, une amie de la famille. Apaisement qui ouvrira la voie de la réconciliation. Cette exploration au scalpel des liens familiaux interpelle chacun d’entre nous. On peut tous se projeter dans ces relations universelles, reconnaître certains de nos travers, certaines impasses où l’on s’enferme et, qui sait, peut-être, arriver à en sortir.


Un face-à-face tendu entre un fils et une mère, une pièce sur ce lien unique… Un déjeuner du samedi en province. Stéphane est parisien et romancier un peu connu, Christiane est retraitée de la fonction publique, petite employée qui se contente de peu. Au fromage le tête-à-tête vire au procès, qu’il lui intente avec virulence et maladresse. Tout commence par son soliloque à elle, une enfilade de tout et de rien, le quotidien, cette fromagerie du supermarché fermée pour stérilisation… Il fulmine, se lève, fume. Il explose, prétend partir pour ne jamais revenir. Qu’il soit là ou non ne change rien, lui reproche-t-il. Elle ne s’intéresse pas à lui, ne lit pas ses livres. Il est là, à elle, cela lui suffit. Mais il intellectualise la relation, aimerait quelque chose de plus personnel. Tout est sujet de réflexion à ses yeux, ironique, il raisonne, la pousse. Elle est plutôt dans l’organique, la présence charnelle… Les mots sont durs, heurtent, meurtrissent, mais l’amour demeure derrière la couche d’animosité. On le voit, on le ressent dans les yeux et les gestes de Catherine Hiegel, mère stupéfaite et blessée. Il est moins évident dans ceux de Pierre Palmade, blanc et hagard, migraineux. L’acteur était tout trouvé pour camper ce fils qui se montre injuste tout en visant juste, exprimant ses névroses et angoisses. « Le Lien » mis en scène par Panchika Velez, montre combien François Bégaudeau, son auteur, sait explorer les détours de l’âme humaine.


Pierre Palmade face à Catherine Hiegel, c'est un tandem insolite. Et quand on y ajoute un texte de François Bégaudeau - l'auteur et acteur d'« Entre les Murs » -, on a une folle envie d'aller y voir de plus près. Pas déçus du voyage, vous verrez ! « Le Lien », c'est une conversation en temps réel (80 minutes) entre une mère et son fils qui ne «s'entendent» pas, au sens «sémantique» du terme. C'est l'illustration ironique du dialogue de sourds. Où les mots n'ont pas le même sens dans l'oreille de l'une et dans la bouche de l'autre.
A partir d'un déjeuner raté, l'auteur fait bouillonner un fils qui sent monter en lui la colère devant le monologue angoissé de sa mère qui, visiblement, emplit le vide. A un moment, il ne retient plus sa rage... Plus il s'énerve, plus elle se ferme, se protège avec des réponses absurdes, lui l'attaque par l'ironie méprisante... Ça monte dans les tours... On se demande où ils vont finir. En pugilat ? En larmes ? Suspens...
La salle passe par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. On ressent la veine comique de l'un et de l'autre, donc on a souvent envie de rire. Mais la situation frôle la tragédie, donc on rit - jaune - pour évacuer le malaise. François Bégaudeau est très fort !
Mais surtout, il est servi par des acteurs spectaculaires, mis en scène d'une main de fer par Panchika Velez. Car il faut de la poigne pour piloter Pierre Palmade. Ce satellite impose d'emblée une tension. Sa dégaine, ses intonations lâchent un amas de souffrances bien balisées mais puissantes. C'est beaucoup plus fort que ses talents d'humoriste. Troublant. Hiegel, ce monstre de la Comédie Française, ex-prof au Conservatoire dégage un fabuleux charisme. Elle passe de la fragilité au courroux, à la blessure, aux grincements avec un naturel déconcertant. Du grand art. C'est elle, Catherine Hiegel qui a sollicité Palmade pour cette pièce. A la sortie de la représentation, sur la petite place du théâtre Montparnasse, il lâchait, mi-sérieux, mi-rieur : « Je passe mon examen chaque soir ! » Pas faux. Et il le réussit brillamment.

C’est celui irrévocable d’un fils à sa mère, et en l’espèce de François Bégaudeau à sa propre mère. Avec son intelligence habituelle, il nous présente un fils, écrivain, qui va déjeuner chez sa mère à l’occasion d’une lecture dans une librairie pas loin de chez elle. Elle monologue sur tout et n’importe quoi sans jamais poser aucune question sur sa vie, son travail, ses livres. Trop intello pour elle, se défend-elle. Alors pourquoi continuer de se voir s’interroge-t-il, pourquoi ne pas révoquer ce lien qui les unit… La colère du fils désarçonne la mère pourtant habituée à ses crises. Ils ne parlent plus la même langue du fait du changement social du fils mais doit-il lui faire payer d’être restée elle-même ? Car cette mère assure, répondant finement et avec toujours beaucoup de douceur à tous les coups portés par son fils. Et s’il frappe aussi fort, c’est indéniablement parce qu’il sait qu’il ne risque rien. Catherine Hiegel en mère sensible mais pas fragile est remarquable, parfaitement juste dans ses moindres remarques, dans ses moindres regards. Pierre Palmade est un peu emprunté au début, mal à l’aise dans l’espace avant de se laisser prendre par la dispute qu’il mène avec brio et finir bouleversant dans les bras de sa partenaire. 



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