Le syndrome de l'oiseausaison 2023-2024
Elle s’occupe de la maison, petits plats, linge, ménage impeccable. Elle vit là depuis toujours. Des murs, la porte close, une fenêtre grillagée. Franck la retient, Ève ne connaît pas d’autres repères. Son monde et sa vie sont refermés à cet espace. Le Syndrome de l’oiseau dépeint cette réalité possible : posséder l’autre, lui confisquer tout horizon et tout envol. La comédienne met en scène avec Renaud Meyer un huis clos imaginaire, à la fois duel réaliste et fable fantastique. Face à Patrick d’Assumçao, elle devient cet oiseau privé du monde, aux prises avec sa propre folie, au dernier moment de la séquestration.
Aux côtés de l’excellent Patrick D’Assumçao, Sara Giraudeau nous offre un très beau moment de théâtre plein de tension et de poésie.
De l’émotion pure.
Gala
Porté par ce duo d'exception, ce thriller sombre et oppressant est un moment de théâtre inoubliable.
Froggy's Delight
Chapeau ! Un spectacle à voir pour le jeu sans failles et d'une parfaite unité de ces excellents acteurs.
Théâtre du blog
Un face à face suffocant entre deux comédiens extraordinaires !
ManiThea
mise en scène Sara Giraudeau et Renaud Meyer
avec Sara Giraudeau, Patrick d'Assumçao
avec la voix de Denis Podalydès (de la Comédie-Française)
décor Jacques Gabel
costumes Pascale Bordet
lumières Jean-Pascal Pracht
création son Bernard Vallery
production Théâtre Montansier, Versailles
Télérama Sortir
Sur le thème de l’enfance séquestrée, Sara Giraudeau signe sa première mise en scène.
Sara Giraudeau est actrice de théâtre et de cinéma. Elle devient aujourd’hui metteuse en scène en créant (avec Renaud Meyer) Le syndrome de l’oiseau. Une pièce de Pierre Tré-hardy qu’elle a lue, confie-t-elle, entre « peur et coup de cœur ». Elle cosigne donc la représentation de ce huis clos oppressant digne d’un thriller. Elle y joue Eve, une jeune femme séquestrée depuis près de vingt ans par un geôlier qui la manipule, la brutalise et la viole. Cette première mise en scène découlant d’une nécessité impérieuse, on supposait que l’artiste invoquerait le besoin de dénoncer l’emprise des hommes et les violences qu’ils exercent sur les femmes. « Je n’y ai pas du tout pensé », répond-elle de sa voix désarmante et fluette. L’enfance : voilà ce qui l’a convaincue de se jeter à l’eau. L’enfance de l’héroïne, capable de survivre au pire « par l’imaginaire » ; la sienne, qui fit « mélancolique » ; celle enfin de sa mère la comédienne Anny Duperey, qui à l’âge de 8 ans, découvrait ses parents morts empoisonnés.
« J’avais besoin de me rapprocher de ce traumatisme transmis de génération en génération et qui m’a fabriquée ». Besoin d’affirmer que, « même esquintés », certains enfants « peuvent déployer leurs ailes ». Besoin de réparer ce qui peut l’être par le théâtre. Parce que le texte la percute de plein fouet, Sara Giraudeau a voulu l’incarner en adulte affranchie sans se soumettre à la vision d’un tiers. Une façon de boucler la boucle car, tandis qu’Eve se libère de son enfermement, l’actrice elle aussi s’émancipe. Elle a 37 ans et l’âge de s’envoler.
L'Humanité
L'angoisse magistralement servie sur un plateau théâtre !
Dans « Le syndrome de l'oiseau » de Pierre Tré-Hardy, Sara Giraudeau est une victime formidablement interprétée, au côté du glaçant Patrick d'Assumçao.
Eve n'a pas le droit, ni la possibilité d'ailleurs, de sortir de la maison. Quelques rares fois, elle a pu aller jusqu'au jardin. De la salle de séjour, elle peut apercevoir, juchée sur le piano, la haie de plantations qui la sépare de toute la vie extérieure, et, quelques branches de l'arbre qui a poussé devant la porte. La nuit, insomniaque, elle contemple les lueurs roses clignotantes d'une enseigne. Voilà dix-huit années, on l'apprendra au fil du temps, que la jeune femme n'est pas recluse, mais prisonnière. Franck, son bourreau, qui affiche au moins dix années de plus au compteur de l'existence, l'a kidnappée un jour, sur le chemin du collège. Depuis, il dit l'aimer, quelle est sa petite femme. Qu'il la soigne, qu'il prend bien soin d'elle. Tellement bien d'ailleurs, que lorsqu'il faut lui arracher une dent, c'est lui qui s'en charge, avec une tenaille sortie de sa boite à outils.
Une mise en scène réaliste, sans fioritures, efficace, angoissante
La mise en scène de Sara Giraudeau et Renaud Meyer est réaliste, sans fioritures, efficace, angoissante. Piano droit contre le mur, sous le fenestron. Table en Formica, lumière crue, barreaux aux fenêtres, menottes d'acier à proximité, clavier électronique pour le digicode de la porte d'entré, purée froide dans les assiettes du repas. « Le syndrome de l'oiseau » né sous la plume de Pierre Tré-Hardy est une pièce sombre, angoissante, un thriller saisissant, construit à partir d'histoire réelles, comme celle de Natasha Kampusch, qui en 2006 parvint à s'évader de la cave où un homme la retenait prisonnière depuis plus de huit ans. Rarement au théâtre une telle tension est-elle perceptible, proche, envahissante.
Il fallait pour cela un texte aussi sombre, mais aussi des acteurs portant et supportant le poids de toute cette horreur. Sara Giraudeau explique qu'il lui a fallu des années avant de se convaincre de prendre le rôle et de le mettre en scène. Elle y est d'une justesse et d'une sensibilité remarquables. Elle a choisi comme partenaire Patrick d'Assumçao, formidable lui aussi. Et aussi indispensable, car, indique la metteure en scène : « soit je trouvais la personnalité qui allait m'aider à construire le bon duo, soit je ne montais pas la pièce ». Tout ici est en effet question d'équilibre, de précision. Chacun, elle surtout, conservant, invisible, un coin de jardin secret.
Le dénouement sera heureux, n'en disons pas plus. Mais pour y parvenir, comment Eve a-t-elle pu conserver la rage de s'en sortir, flirtant certains moments avec « le syndrome de Stockholm » qui confère aux victimes un attachement, plus ou moins élastique, à leur tortionnaire ? Violée depuis le début, elle a donné naissance à un enfant, accouchant seule, et faisant croire à Franck, qui a toujours refusé de le regarder, que le bébé est un garçon, alors qu'Axel est en vérité une fille, ainsi protégée des possibles pulsions toxiques de l'homme. L'oiseau, finalement, pourra revoir les étoiles.
Gala
De l’émotion pur.
l’oiseau. Annie Duperey était présente pour applaudir Sara Giraudeau. La comédienne sait à quel point ce rôle compte pour sa fille. Elle incarne dans cette pièce, qu’elle a aussi mise en scène avec Renaud Meyer, une femme séquestrée depuis 18 ans face à son bourreau lors de sa dernière heure de détention. Un texte puissant écrit par Pierre Tré-Hardy, qui s’est inspiré de l’histoire de Natascha Kampusch, qui stupéfia le monde en 2006, mais aussi celle d’autres jeunes femmes, comme à Cleveland en 2013, ou à Gizzeria en 2018. « Avant de me lancer dans la lecture je me souviens que le texte m’avait fait très peur, a confié Sara Giraudeau à Pierre Notte. Il me paraissait impossible d’aller jouer tous les soirs une histoire de séquestration, histoire inhumaine, qui à l’imaginer, me devenait vite
insupportable ». La comédienne a bien fait d’oser se lancer. Aux côtés de l’excellent Patrick D’Assumçao, et avec la complicité de Denis Podalydès à la voix off, elle nous offre un très beau moment de théâtre plein de tension et de poésie.
Le journal du dimanche
La pièce s’inspire de l’affaire Natascha Kampusch, enlevée à l’âge de 10 Ans puis qui parvint à s’évader après plus de huit ans de captivité. C’est ce moment précis, celui de la libération inespérée, que l’auteur Pierre Tré-Hardy a réinventé sous l forme d’un dialogue tendu entre la prisonnière et son geôlier, joué ici par Patrick d’Assumçao, génial et terrifiant de douceur fielleuse. Captivantes de bout en bout, la mise en scène et l’interprétation de Sara Giraudeau donnent à ressentir une montée dramatique suffocante. On y capte l’innocence mais aussi l’incroyable force mentale de l’enfant piégée, sauvée par son imaginaire. Cet angélisme que l’on croit à jamais broyé et qui, en fait, sert d’arme salvatrice.
Radio France
Posséder l’autre, lui confisquer tout horizon et tout envol… un huis clos entre un tortionnaire et sa victime, saisissant tête-à-tête où l’inacceptable et la poésie se sont donnés rendez-vous.
La comédienne Sara Giraudeau met en scène avec Renaud Meyer un huis clos imaginaire, Le syndrome de l’oiseau au Théâtre du Rond-Point, à la fois duel réaliste et fable fantastique. Face à Patrick d’Assumçao, elle devient cet oiseau privé du monde, aux prises Ave sa propre folie, au dernier moment de la séquestration.
Résumé : Eve s’occupe de la maison, petits plats, linge, ménage impeccable. Elle vit là depuis toujours. Des murs, la porte close, une fenêtre grillagée. Franck la retient, Eve ne connaît pas d’autres repères. Son monde et sa vie sont refermés à cet espace.
Extrait :
Eve : Je voudrais en parler. S’il te plaît. Franck : Nous venons de le faire (un temps) Oh et puis elle est froide cette bouffe de merde ! Ton n’es même pas foutue de réussir une simple purée. Je te préviens… Ne commence pas. Tu le sais, que si tu commences, c’est moi qui termine ? Hein, tu le sais ? Bon. Tu m’emmerdes, voilà. Tu as tout gâché. Ton repas est raté ; le premier mai est raté, et je t ‘avais préparé une surprise, qui est également ratée à présent. (Il lui jette le sac avec le dernier objet qu’il contenait) Tiens démerde-toi.« Comment garder la raison dans un monde où vous êtes devenu votre seul repère ? Comment survivre dans un monde où chaque mot peut tuer, où le passé n’existe pas, ooh l’avenir n’existe plus, où la folie est devenue l’ultime refuge ? » s’interroge Pierre Tré-hardy.
Dépassant le fait divers, l’auteur nous guide au coeur d’une folie faussement ordinaire, dans le quotidien presque banal d’un couple avec enfant dont les préoccupations matérielles et les grandes espérances ressemblent aux nôtres.
Ils pourraient habiter la maison d’en face, être nos voisins de palier, voire des membres de notre famille… Si ce n’étaient certains dérapages étranges et une différence essentielle l’absence de liberté de la jeune femme.
Le syndrome de l’oiseau évoque l’histoire de Natascha Kampusch, qui stupéfia le monde en 2006, mais aussi celle d’autres jeunes femmes, comme à Cleveland en 2013, ou à Gizzeria en 2018… et d’autres encore, se faisant la répétition d’une tragédie contemporaine, qui s’inscrit dans l’actualité des « violences faites aux femmes ».
Ces tragédies à hauteur d’hommes et de femmes, expériences ultimes où la violence croit convoquer l’amour, révèlent la puissance et la beauté de l’instinct de survie. C’est ce qui rend complexe et périlleux le désir de les porter sur une scène de théâtre. A proposer un spectacle trop réaliste, on en deviendrait sordide. Et à chercher trop de poésie, on en esquiverait la puissance du sujet… Un équilibre délicat que cette pièce propose.
L'Œil d'Olivier
Le bel envol de Sara Giraudeau
Elle est Eve, une jeune femme à l’aspect fragile. Nous la voyons évoluer dans sa pièce, s’occupant de l’ordinaire, le ménage, la lessive, la préparation du repas. Dans un coin des jeux pour un tout-petit sont bien rangés, dans un autre trône un piano. La bibliothèque regorge de livres de la collection de la bibliothèque rose et verte. Quelque chose cloche. La seule fenêtre est une ouverture de cave, muni de barreaux. La porte est blindée. Puis, l’homme arrive. Et là, on comprend que nous ne sommes pas dans un quotidien quelconque. Elle est la prisonnière d’un prédateur.
Le syndrome de l’oiseau de Pierre Tré-Hardy est conçue comme ces thrillers américains, ceux de Lisa Gardner que l’on aime dévorer. Partant de ce fait, il y a du suspens et donc il serait mal venu d’en raconter plus. C’est rudement bien mené et l’on frémit souvent. Mes deux voisines de rangs étaient parfaites dans leurs réactions, s’inquiétant à chaque déroulement de l’action. Bien sûr on pense à Natascha Kampusch. L’auteur s’est d’ailleurs inspiré de cette terrible histoire, s’intéressant à ce moment où la jeune fille, tel un oiseau en cage, va enfin retrouver sa liberté.
La mise en scène, conjointement signée de Renaud Meyer et Sara Giraudeau, est d’une efficacité redoutable. Sans nous enfermer dans un style cinématographique, ils laissent la part belle à ce que notre imaginaire puisse travailler. Dans le rôle de Franck, Patrick D’Assumçao, dans un jeu très adroit, est terrifiant. Toute la force de ce spectacle tient à l’interprétation au cordeau de Sara Giraudeau. Si bien que, se débattant entre cette enfance volée et cette vie de femme imposée, jouant sur le fil de la folie, se nourrissant d’espoir, l’actrice possède une belle palette de nuances. En conséquence, nous ne tombons jamais dans le pathos et la caricature. Cela vibre et nous transporte.
La Montagne
Sara Giraudeau. Réduite pendant 3096 jours à un tête-à-tête avec son ravisseur qui l’avait enlevée sur le chemin de l’école (elle avait alors 10 ans), l’Autrichienne Natascha Kampusch est parvenue à s’échapper en 2006 d’un réduit aménagé dans la cave d’un pavillon. A l’affiche du Théâtre du Rond-Point à Paris, avant une tournée, « Le syndrome de l’Oiseau » dépasse le fait divers. La pièce, dans laquelle Sara Giraudeau livre une performance, se focalise sur la dernière heure du calvaire de l’otage avant sa libération.
Artistik rezo
Sara Giraudeau met en scène avec Renaud Meyer un texte vertigineux sur l’enfermement d’une jeune femme par un conjoint manipulateur. La comédienne interprète cette victime consentante avec Patrick d’Assumçao dans une atmosphère de conte fantastique, effroyable et pourtant si vraisemblable. Une réussite totale.
Eve, Sara Giraudeau, est une jeune femme soumise aux ordres de son conjoint. Elle déambule en nuisette et chaussettes claires telle une poupée obéissante, prépare la purée, lave le sol et fait la vaisselle. L’appartement qu’elle occupe avec Franck, qui se fait appeler Adam, comme dans le jardin d’Eden, est un sous-sol dont une des fenêtres, en hauteur, est grillagée. Seul Franck, Patrick d’Assumçao, a l’autorisation de sortir à l’extérieur, ce qu’il fait après avoir pris soin de menotter Eve pour qu’elle ne puisse s’enfuir. De toutes les manières la porte est verrouillée par un code secret, et dehors « c’est l’enfer, dangereux ». Franck veille sur la sécurité de sa jeune femme, le sol doit être brillant comme si Eve l’avait léché, le passé et le futur n’existent pas et il est formellement interdit de les évoquer dans ce présent paradisiaque. Eve est un oiseau qui joue au piano La Sonate au Clair de Lune de Beethoven, guette le moindre éclat du soleil à travers les barreaux, n’a d’yeux que pour son fils de 4 ans, enfermé lui-aussi, et que Franck connaît à peine.
Un texte subtil et puissant.
Le texte de Pierre Tré-Hardy nous plonge au cœur de la dépendance d’une victime à son bourreau, par le biais d’une écriture subtile qui évite tout détail macabre ou grivois. Le couple à qui il donne vie s’aime, de toute évidence, même si l’on devine très vite l’autorité perverse du discours de l’homme et les évitements, les feintes de la femme pour éviter le conflit, la violence ou l’aveu. On songe à l’histoire terrifiante de Natascha Kampusch, la jeune Autrichienne séquestrée durant toute sa jeunesse en 2006 et qui réussit à s’enfuir, mais on songe à bien d’autres victimes inconnues et conditionnées par la même dépendance.
Selon Sara Giraudeau, le titre de la pièce fait référence au Syndrome de Stockholm, le phénomène psychologique de connivence et d’empathie observé chez des otages ayant vécu longtemps avec leurs geôliers. La comédienne incarne cette jeune femme avec l’innocence et la folie nécessaires à sa survie, elle est fragile et forte à la fois, bouleversante. Pour incarner le rôle difficile de Franck, Patrick d’Assumçao est tout aussi magistral de puissance et de de perversité, de malignité et de violence. Dans le beau décor de Jacques Gabel, on suit ces deux comédiens en tremblant durant une heure et trente minutes, pratiquement sans respirer. C’est poignant.
Froggy's delight
Sous la nappe, une silhouette recroquevillée en ombre chinoise. Elle est prisonnière dans cette pièce en sous-sol, retenue par cet homme qui dit l'aimer mais la fait passer pour folle et évoque les décisions d'un docteur invisible.
Elle passe tout son temps aux tâches ménagères dans la peur de son retour et de ses réactions, ne vivant que pour l'enfant qu'il lui a fait qui dort dans la pièce d'à côté et qu'on ne voit jamais. Quand le ménage est fait, elle se prend à rêver de l'horizon et de la liberté.
C'est le 1er mai. Le bouquet de muguet qu'il rapporte tous les ans à cette date la fait pleurer, lui faisant réaliser qu'une année de plus de captivité s'est écoulée.
Inspiré notamment de l'histoire de Natascha Kampusch et d'autres faits divers, "Le syndrome de l'oiseau" de Pierre Tré-Hardy décrit les derniers moments d'une séquestration et parvient à mêler de façon brillante réalisme et poésie.
Sara Giraudeau qui met en scène ce texte avec Renaud Meyer incarne cette jeune femme qui ne connaît même pas son âge, enlevée par cet homme quand elle rentrait de l'école il y a des années.
Les mécanismes de défense qu'elle met en place, mués par son instinct de survie sont infiniment poignants. C'est un hasard miraculeux qui va lui offrir la chance de communiquer avec l'extérieur.
Le duo formé par Sara Giraudeau, qui campe cette jeune femme, à la fois encore dans l'innocence de l'enfance et dans la lucidité de sa condition, et par Patrick d'Assumçao, glaçant en tyran domestique, est sensationnel.
La mise en scène parvient à éviter le sordide pour insuffler des réels moments de beauté dans ce drame. L'environnement sonore remarquable conçu par Bernard Vallery contribue à l'angoisse sourde qui se développe dans le décor aussi réaliste qu'étouffant de Jacques Gabel. L'ensemble confère à ce huis-clos une tension inouïe.
Porté par ce duo d'exception, ce thriller sombre et oppressant est un moment de théâtre inoubliable.
ManiThea
Un face à face suffocant entre deux comédiens extraordinaires !
Ne pas connaitre l’histoire que raconte la pièce est à mon avis un vrai plus donc n’hésitez pas à attendre de l’avoir vue avant de lire cet article. Spoiler : j’ai beaucoup aimé.
Au commencement on se demande quelle est la drôle de relation de ce couple insolite. Il a l’air d’un bon bonhomme qui rentre du travail pendant qu’elle reste à la maison avec leur enfant, elle lui prépare gentiment à manger, fait son linge et le ménage.
D’un côté il y a cet homme, interprété par l’excellent Patrick d’Assumçao, qui a tout d’un bon mari, prévenant, et au petit soin. De l’autre il y a cette femme, qui semble plutôt étrange, voix enfantine, délire poétique, elle a l’air bien perchée. La très douce et lunaire Sara Giraudeau interprète avec finesse cette femme fragile et perdue. Est-elle folle ? Est-ce pour cela qu’elle est enfermée ? Pour sa propre protection ?
Et puis il y a le premier éclat de colère et l’on comprend petit à petit tout ce qui se joue ici, la séquestration, la domination, la soumission et finalement l’ampleur du cauchemar se précise : la durée, les viols, les humiliations, l’enfant, la violence...tout est distillé et dévoilé par touche ce qui rend la pièce encore plus violence et prenante.
Pendant 1h 30 nous nous retrouvons plongés dans l’enfer de la séquestration d’une jeune femme par son geôlier. C’est émouvant, oppressant et angoissant. L’ambiance est parfaitement rendue et l’on partage son désarroi, sa souffrance et sa peur. La pièce est assez lente mais cela participe à comprendre ce temps qui s’étire pour elle dans cette cave où seule une fenêtre en hauteur apporte un peu de lumière. Et puis il y a ce suspense : va-t-elle réussir à sortir... ? On tremble pour elle jusqu’à la fin.
Bien sûr, on pense rapidement à la terrible histoire de Natasha Kampusch dont Pierre Tré- Hardy s’est d’ailleurs inspiré. Et c’est ce qui terrifie le plus, le fait que cela soit possible, que cela a déjà existé, c’est réel, concret.
Seule la poésie pouvait permettre de supporter cette horreur et la pièce en est remplie, comme le montre le très joli titre, le Syndrome de l’oiseau référence au syndrome de Stockholm car Eve a peur de l’extérieur qu’elle ne connait pas et elle hésite à se libérer même si elle rêverait de voler comme un oiseau.
Sara Giraudeau a eu une excellente idée en montant cette pièce qui lui correspond parfaitement et dont la mise en scène soignée, les décors très réalistes et le jeu précis et juste des deux interprètes en font une pièce de grande qualité.
Univers
Prix Raimu, Molière de la révélation théâtrale 2007, césar de la meilleure actrice dans un second rôle 2018 pour Petit Paysan, figure phare de la série Le Bureau des légendes, Sara Giraudeau devient Eve. Elle s’occupe de la maison, petits plats, linge, ménage impeccable. Elle vit là depuis toujours. Des murs, la porte close, une fenêtre grillagée. Franck la retient, Eve ne connaît pas d’autres repères. Son monde et sa vie sont refermés à cet espace. Le syndrome de l’oiseau dépeint cette réalité possible : posséder l’autre, lui confisquer tout horizon et tout envol. La comédienne met en scène avec Renaud Meyer un huis clos imaginaire, à la fois duel réaliste et fable fantastique. Face à Patrick d’Assumçao, elle devient cet oiseau privé du monde, aux prises avec sa propre folie, au dernier moment de la séquestration.
Théâtre du blog
L'auteur dit s'être inspiré de la vie en captivité et des mauvais traitements que dut subir pendant huit ans la jeune Autrichienne Natasha Kampusch en fermée, dans une cache de cinq m2 sous le garage d'un Přiklopil avec une porte d'entrée en acier, doublée de béton, et sans fenêtre. En 2006, elle réussit à s'enfuir et son tortionnaire se suicidera aussitôt. Mais il y eut aussi d'autres jeunes filles séquestrées à Cleveland en 2013, etc. Ici vit Eve, une jeune fille enlevée à huit ans par un homme qui la violera et dont elle aura un petit garçon de trois ans après avoir accouché seule...
Tout se passe dans un lieu clos imaginé de façon très réaliste par Jacques Gabel. Un sous-sol sordide avec papier peint qui se décolle, table en bois, linge sèchaant dans un coin sur un fil, petit rayonnage dans une niche avec jouets et livres d'enfants et un vieux piano droit avec au-dessus une fenêtre en longueur qui dispense une lumière blafarde par un voilage qui pendouille. Derrière, une cuisine qu'on ne verra pas et l'amorce d'un couloir avec un digicode à numéro secret qui permet à cet homme d'entrer et sortir de la maison, qu'Eve le veuille ou non. Il tient à tout contrôler et lui laisse juste le soin de faire quelque chose ressemblant à un repas.
Eve et Frank mangent tous les deux une purée avec un sachet de poudre qu'elle a vite préparée mais le ton monte vite : « Oh ! Et puis elle est froide cette bouffe de merde ! Tu n'es meme pas foutue de réussir une simple purée. Je te préviens... Ne commence pas. Tu le sais, que si tu commences, c'est moi qui termine ? Hein, tu le sais ? Bon. Tu m'emmerdes, voilà. Tu as tout gaché. Ton repas est raté ; le premier mai est raté, et je t'avais préparé une surprise, qui est également ratée à présent. » Et il finit par jeter son assiette par terre et la force à en ramasser les morceaux puis à lécher son pouce avec lequel il a essuyé le sol où restait un grain de purée.
Totalement soumise, elle ne dit jamais rien et demande toujours la permission pour lui parler. Au mur, des menottes qu'il lui met dès qu'il s'en va : il lui a offert pour le premier mai quelques brins de muguet et un interphone pour la chambre du bébé. Mais il va ensuite au bistrot en la laissant seule avec ce bébé, qui est en fait une fille. Et il la prévient qu'ils vont aller vivre dans le Grand Nord en dans la forêt, pour son plus grand bien à elle évidemment! Oui, mais voilà cet interphone capte aussi les ondes C.B dans un rayon de cinq cent mètres. Et Eve arrive ainsi à communiquer avec un voisin (Denis Podalydès) qui ne croit d'abord pas qu'elle est séquestrée puis qui la prend en charge. Il lui dit de faire chauffer dans de l'eau quelques brins de muguet, un poison toxique pour le coeur mais en grosse quantité ! Et d'inviter Frank à en boire un verre. Mais très méfiant, Adam, qui exige qu'on l'appelle ainsi et non plus Frank, trouve que cette eau sent le produit vaisselle et lui dit de changer de verre avec le sien mais il finit par le boire. Quelques minutes après, pris de violentes douleurs abdominales, il s'écroule au sol et Eve, dans un étonnant instinct de survie, très sûre d'elle, le menotte à la table. Mais il refuse de donner le code quand elle elle propose fielleusement! d'appeler un médecin...qui découvrirait cette séquestration. On entendra bientôt des coups dans la porte blindée : grâce au voisin, la police a réussi à géolocaliser Eve. On voit aussi derrière la fenêtre la lumière d'un projecteur. Elle monte alors facilement sur le piano et met sa main sur la vitre pour qu'on la repère.
Fin de cette atroce aventure. Sara Giraudeau a une présence de tout premier ordre et impose vite ce personnage de pauvre fille humiliée, atteinte d'une certaine folie et que Frank veut garder enfermée. Sous une douceur apparente, l'actrice est très impressionnante dans ce personnage de victime qui parle aussi calmement et qui a même une sorte d'empathie pour son bourreau... Malgré une vie misérable, elle semble malgré tout s'être attachée à lui et ils ont au moins en commun un enfant, même si on ne le verra jamais.
« Je pense, dit la metteuse en scène et aussi interprète d'Eve, que c'est un oiseau emprisonné dans un environnement où Franck a été son seul repère durant dix-huit ans, son attitude envers lui va donc avoir toutes les contradictions qui en découlent. L'amour, la haine, un rapport et un attachement irraisonnés liés à son instinct de survie. L'oiseau, pour moi, reflète tout etre humain qui, à la sortie de l'enfance, est amené à voler de ses propres ailes. »
Patrick d'Assumçao, en gros bonhomme affable au moins au début mais qui va devenir odieux et violent, et est lui aussi très crédible dans ce rôle pas facile de pervers odieux qui terrorise Eve dès qu'elle fait un geste ou dit quelque chose. Et il gardera jusqu'au bout quelque chose d'inquiétant. Tombé au sol et incapable de se relever, il fait encore peur. Chapeau ! Avec Renaud Meyer, Sara Giraudeau a assuré une mise en scène sobre et précise. Un spectacle à voir surtout pour le jeu sans failles et d'une parfaite unité de ces trois excellents acteurs.
au Théâtre du Rond Point
du Mardi au Samedi à 20h30
le Dimanche à 15h30
