Acte 2

Albert et Charliesaison 2023-2024

Einstein et Chaplin, deux lumières dans la ville.

Le Figaro


Daniel RUSSO et Jean-Pierre LORIT sont excellents. Épatante Élisa BENIZIO.

Le Quotidien du médecin

Une pièce lumineuse. Ce voyage dans le temps nous réconcilie avec l'humanité.

Artistik rézo

Rencontre au sommet.

Figaro magazine


Une vraie pépite. Interprétation des trois comédiens excellente, magistrale même.
♥♥♥♥ Coup de théâtre

 


la pièce


Aucun savant n’a connu de son vivant la célébrité d’Einstein, aucun artiste la célébrité de Chaplin. L’un représente l’œuvre la plus complexe, l’autre l’œuvre la plus accessible. Tout semble les opposer. Et pourtant ils avaient en commun une totale indépendance, une profonde humanité, l’humour, l’amour de la musique... Tous deux furent exposés aux bouleversements majeurs de leur siècle et se montrèrent très concernés par les conséquences que cela aurait pour leurs semblables. Ils se sont rencontrés à plusieurs reprises mais jamais, semble-t-il, dans de très bonnes conditions... Cette pièce propose d’y remédier en organisant, à des moments charnières, des rendez-vous propices au théâtre.
d'Olivier Dutaillis

mise en scène 
Christophe Lidon

avec 
Daniel Russo, Jean-Pierre Lorit, Elisa Bénizio

décor Catherine Bluwal
costumes Chouchane Abello-Tcherpachian
lumières Cyril Manetta
musique Cyril Giroux
vidéo Léonard
assistante à la mise en scène Mia Koumpan
Galerie photos


Le Figaro
C'est drôle. Albert Einstein sympathise avec Charlie Chaplin sans avoir vu ses films. Il est davantage fasciné par les particules de lumière que diffusent les projecteurs dans les salles obscures. Il y a une exception : Les Lumières de la ville que le réalisateur l'invite à découvrir en avant-première à Los Angeles, le 30 janvier 1931. Une photographie en noir et blanc projetée au-dessus du plateau du Théâtre Montparnasse montre les deux grands hommes côte à côte en nœud papillon.

L'échange est fameux : « Ce que j'admire le plus dans votre art, observe Albert Einstein, c'est son universalité. Vous ne dites pas un mot, et pourtant, le monde entier vous comprend. » Chaplin réplique : « C'est vrai, mais votre gloire est plus grande encore : le monde entier vous admire, alors que personne ne vous comprend. »

Le romancier Olivier Dutaillis relate les entretiens entre les deux figures légendaires dans une pièce sobrement intitulée Albert et Charlie. Nous sommes dans le bureau d’Einstein, à Princeton, superbe décor de Catherine Bluwal. Crinière blanche sur le crâne, Daniel Russo prête sa dégaine et ses baskets au physicien allemand (chapeau aux maquilleuses), tandis que Jean-Pierre Lorit joue Charlot, le célèbre vagabond. « Il faut faire appel à votre imagination, je suis Charlie Chaplin ce soir » prévient l’acteur vétu d’un élégant costume.

Admiration réciproque

On apprend que l’amitié entre le lauréat du prix Nobel et la vedette hollywoodienne n’a pas été évidente. Pour Chaplin, son ainé de dix ans est un modèle. Mais le père de la théorie de la relativité s’est enfermé dans une vie solitaire après la mort d’Elsa, sa seconde épouse en 1936.

Au fil des rencontres qui se déroulent à trois reprises, de 1938 à 1952 (trois ans avant la mort d'Einstein), malgré leurs différences, les deux génies se rapprochent insensiblement. S’admirent, se livrent, s’inquiètent de la montée du nazisme et des conséquences de la guerre. Albert Einstein évoque la bombe atomique, Charlie Chaplin son film Le Dictateur qui ne séduit d’abord pas son comparse. La gravité du contexte historique est atténuée par la présence d’Hélène, la femme à tout faire du savant. Etonnante Elisa Benizio, la fille de Corinne et Gilles Benizio, le duo burlesque Shirley et Dino. Bavarde et alerte dans la peau du personnage, elle entend protéger son « maître » des instructions extérieures. Ses réflexions à l’adresse du public sont autant de joyeuses bouffées d’oxygène. Elle dériderait un cactus ! Christophe Lidon, le metteur en scène l’a bien compris. Qui la fait intervenir comme une institutrice qui réprimande deux enfants de sa classe. On apprend des choses en s’amusant.


Le quotidien du médecin

Einstein et Chaplin se sont vraiment rencontrés. L’auteur imagine leurs interrogations, leurs discussions.

Tout sonne juste, dans la mise en scène de Christophe Lidon.

Daniel Russo, perruque blanche et profondeur, Jean-Pierre Lorit, qui ne cherche pas, lui non plus, à jouer le sosie, sont excellents et très finement accordés.

Entre eux, savoureuse gouvernante du savant l’épatante Elisa Benizio apporte une touche de légèreté, de fantaisie.


Spectacles séléction
1938. L’un des plus grands scientifiques de l’histoire reçoit l’un des plus grands cinéastes du XXe siècle dans sa résidence de Princeton. Albert Einstein et Charlie Chaplin sont heureux de se revoir. Ils évoquent leur rencontre sept ans plus tôt lors de la sortie des Lumières de la ville. Le physicien ne garde aucun souvenir du film. Les poussières qui papillonnaient autour du projecteur étaient bien plus intéressantes à observer ! Après bien des vicissitudes, tous deux exilés aux Etats-Unis, ils s’accordent à penser qu’avec Hitler « c’est plus facile de se passer de l’Europe ». Le cinéaste est encore adulé du public mais le cinéma muet est moribond. Il cherche un sujet « fort, brûlant, sensible » et caresse le projet d’une comédie sur le dictateur. 
Seul dans sa maison avec la fidèle Hélène qui guette le moindre de ses désirs, Einstein a été écarté des travaux menés par ses confrères scientifiques. Surveillé par le FBI, il mène ses recherches dans la plus grande solitude, même s’il considère qu’on ne fait plus de grandes découvertes après 40 ans, même s’il reçoit plus de lettres d’insultes que d’admiration.
« Vous allez le trouver bien changé », le prévient Hélène lors de la visite suivante. En effet, Albert a vieilli, Son grand regret est d’avoir écrit la fameuse lettre à Roosevelt qui contribua à déclencher le projet Manhattan. Il croyait alors les allemands plus avancés sur la bombe que les américains. Charlie a finalement tourné Le Dictateur. Le succès est encore au rendez-vous mais il sent que lorsque le public le lâchera, ce sera la fin. 
Albert qualifie sa vie sentimentale de fiasco. Charlie, très critiqué pour la sienne, vient tout de même de trouver l’amour de sa vie. Mais la chasse aux sorcières organisée par MacArthur l’inquiète. 
La dernière visite est celle des adieux. Sa liberté de plus en plus menacée, Charlie est venu prévenir son ami de son départ définitif. Il embarque incognito sur un bateau le lendemain pour s’installer en Suisse, décidé à ne jamais revenir aux Etats-Unis. Il laisse toute une vie derrière lui et un Albert malade qui se dit universellement connu mais totalement seul, l’esprit dorénavant tourné vers la métaphysique.
Olivier Dutaillis remporte haut la main l’adhésion du public avec cette comédie pleine d’humour mais aussi d’amertume. Elle est aiguillonnée par la mise en scène et la parfaite interprétation de Daniel Russo (Albert) Jean-Pierre Lorit (Charlie) et Elisa Benizio, formidable Hélène, qui insuffle un rythme bienvenu à chaque apparition.  

Coup2théâtre

♥♥♥♥

Aucun savant n’a connu de son vivant la célébrité d’Einstein, aucun artiste la célébrité de Chaplin. L’un représente l’œuvre la plus complexe, l’autre l’œuvre la plus accessible. Tout semble les opposer. Et pourtant ils avaient en commun une totale indépendance, une profonde humanité, l’humour, l’amour de la musique…

Tous deux furent exposés aux bouleversements majeurs de leur siècle et se montrèrent très concernés par les conséquences que cela aurait pour leurs semblables. Ils se sont rencontrés à plusieurs reprises…
Olivier Dutaillis nous propose une vraie pépite : la confrontation de deux personnalités essentielles que tout oppose – Albert Einstein (Daniel Russo) et Charlie Chaplin (Jean-Pierre Lorit) – face aux grands évènements de leur temps (la montée du nazisme, l’après Seconde guerre mondiale, le maccartisme). En plus de l’intérêt historique, on découvre des pans de la personnalité des deux protagonistes. La gouvernante d’Einstein (Elisa Benizio) apporte une pétulance bienveillance et une belle dose d’humour.

Christophe Lidon lui offre un bien joli écrin : bureau du physicien meublé avec goût avec des meubles 1930. Sur tout le mur de face, un immense tableau noir recouvert entièrement de formules écrites nerveusement à la craie. En fond, sont projetées de magnifiques illustrations teintées de poésie sans oublier la bande sonore arrangée par Cyril Giroux qui nous accompagne d’un bout à l’autre de la représentation.

Quant à l’interprétation des trois comédiens, elle est vraiment excellente, magistrale même.  

 

Le Figaro Magazine

Rencontres au sommet

Si on sait que le plus grand scientifique du XXème siècle et le plus grand artiste de son temps se sont réellement croisés, tout le monde ignore ce que se sont dit Albert Einstein et Charlie Chaplin. Qu’à cela ne tienne, Olivier Dutaillis imagine leurs conversations à Princeton, dans le bureau du prix Nobel. Trois dates symboliques – 1938, la montée du nazisme dans toute l’Europe ; 1945, la bombe atomique à Hiroshima ; 1954, le maccarthysme – pour trois rencontres au cours desquelles les deux hommes confrontent leurs pensées les plus intimes, leurs inquiétudes, mais surtout leurs doutes.

Christophe Lidon met en scène un Daniel Russo impeccable en Einstein revenu de tout et un séduisant Jean-Pierre Lorit, qui prête ses traits au virevoltant Chaplin. Deux exilés, deux génies, observant, navrés, l’évolution du monde, fulminant contre la folie des hommes sans jamais se départir de leur indépendance d’esprit et de leur légendaire impertinence. Heureusement, la gouvernante d’Albert calme les ardeurs ! Elisa Benizio incarne la fidèle Hélène, faussement autoritaire, toujours dévouée. Elle apporte une note de fraîcheur et de drôlerie dans cette comédie plus désenchantée qu’il n’y paraît.


France tv

Lorsque Charlie Chaplin et Albert Einstein se rencontrent, cela donne de beaux moments de théâtre !
Daniel Russo et Jean-Pierre Lorit incarnent ces deux génies du XXème siècle.

Au cœur de la pièce Albert et Charlie, il y a deux géants que tout le monde connaît déjà très bien, mais il y a surtout une rencontre inédite entre le scientifique et l’artiste ! Pour Jean-Pierre Lorit, alias Chaplin, c’est l’occasion de rentrer dans l’occasion de rentrer dans l’intimité de « deux personnages dont on ne connaît, au bout du compte, pas grand-chose » et de « les voir argumenter sur des sujets aussi bien politiques qu’humains ». Le comédien dévoile notamment les secrets de cette pièce qui met à l’honneur « le parcours inouï d’artiste et d’être humain du petit bonhomme des bas quartiers de Londres ». 
Albert et Charlie est aussi une œuvre remplie de poésie où l’énergie des comédiens déborde à chaque scène. Et Daniel Russo, qui joue Einstein, ne s’en cache pas : « il y a plein de choses dans cette pièce ». Comme cette improbable histoire, selon laquelle on aurait demandé au physicien de devenir… le président d’Israël !


L'Oeil d'Olivier

Albert et Charlie, la raison et l’humour

Albert Einstein et Charlie Chaplin se sont croisés dans la réalité, mais n’ont jamais été intimes. Ce qui n’a pas empêché Olivier Dutaillis de les réunir dans une fiction et d’imaginer entre eux une relation amicale. Cela fonctionne très bien tant les échanges, entre ces deux génies nous apparaissent alors dans une relativité tout à fait possible. De quoi peuvent donc parler ces deux êtres qui ont, chacun à leur manière, fait bouger le monde ?

L’art sauvera le monde

L’auteur organise donc trois rencontres qui auraient eu lieu entre 1938 et 1952. Cette combinaison l’autorise à explorer les grands bouleversements du XXème siècle, comme la montée du nazisme (Le dictateur), la bombe atomique, le maccarthysme et sa chasse aux sorcières. Cela lui permet également d’opposer deux approches différentes de la société et du rapport à la vie. L’un représente la science et le second les arts. Ainsi Einstein peut dire à Chaplin : « Ce que j’admire le plus dans votre art, c’est son universalité. Vous ne dites pas un mot, et pourtant le monde entier vous comprends ». A quoi le second répond « C’est vrai, mais votre gloire est plus grande encore : le monde entier vous admire, alors que personne ne vous comprend ».

L’imagination aux commandes

Tout se déroule dans le bureau du savant. Si l’on demeure dans du concret, la pièce unique peut devenir un piège, enfermant ainsi les propos et l’interprétation dans une routine lassante. Christophe Lidon a ouvert l’espace. Sa scénographie est comme toujours bien pensée. Un grand mur, tel un tableau immense, couvert de formules, serpente sur le plateau à la manière d’une courbe géométrique. Il est ouvert sur un ciel fait de planètes et d’étoiles. Ce décor poétique et symbolique, œuvre de Catherine Bluwal, agréménté des lumières de Cyril Manetta et des vidéos de Léonard, aère ainsi l’action permettant à l’imaginaire de prendre le dessus. Il donne surtout la possibilité aux comédiens de s’emparer de l’espace et de circuler en toute aisance. Le résultat est formidable. Aucune monotonie ne vient casser le rythme des échanges.

Un Einstein plus vrai que nature

Lidon est un directeur d’acteurs très fin qui sait amener les comédiens hors de leurs lignes de confort et tirer d’eux le meilleur de leur talent. Autant le dire tout de suite, Daniel Russo va vous surprendre. On est loin des rôles dans lesquels, tout à son aise on est habitué à l’applaudir. Par la grâce du costume et de sa perruque, ouvrage de Chouchane Abello-Tcherpachian, il a la tête de l’emploi ! Nous sommes dans l’imagerie que nous avons tous du savant qui n’avait pas peur de tirer la langue. Mais la prouesse ne se limite pas à l’apparence ! Son interprétation est remarquable. Rassurez-vous, son petit sourire coquin et sa malice sont toujours présents, mais ils sont aux services du personnage et non de l’effet comique.

Un Chaplin séduisant

Jean-Pierre Lorit s’est glissé dans la peau du cinéaste avec une grande élégance. A la première rencontre, il est un artiste qui possède l’humour comme unique arme de guerre pour dénoncer Hitler. Les feux de la rampe éclairent encore sa carrière et sa notoriété. A la fin de la pièce, les temps modernes et le maccarthysme sont passés par là, il doit fuir. Par son interprétation pleine de finesse et d’agilité, le comédien fait entendre les divers troubles et sentiments qui traversent l’homme et l’artiste.

La belle parenthèse

Un face-à-face au théâtre, peut vite tourner, comme au tennis, à d’interminables longs échanges. Il faut donc, par une astuce, trouver le moyen de relancer le jeu ! Le personnage d’Hélène, la gouvernante du professor, permet de faire de belles parenthèses et d’ouvrir le texte sur l’extérieur. Lumineuse et protectrice, elle apporte un souffle délicieux qui fait respirer la pièce. Avec son accent allemand, sa grâce et sa joie de vivre, Elisa Benizio nous a conquis. Elle est le rayon de soleil qui illumine « le cosmos ».


Esprit paillettes

Albert et Charlie : il était une fois l’Amitiés

En réalité, Einstein et Chaplin ne se sont rencontrés qu’à deux reprises mais l’amitié immédiate qui en a résulté, a inspiré vivement l’auteur Olivier Dutaillis. Dans une mise en scène somptueuse de Christophe Lidon, Daniel Russo, Jean-Pierre Lorit et Elisa Benizio (l’inénarrable gouvernante d’Einstein) incarnent avec brio et humour les coulisses de cette amitié réinventée ici, pour l’occasion, sur les planches du Théâtre Montparnasse.

La première chose qui nous frappe, c’est cette impression d’émerveillement enfantin qui nous étreint dès le lever de rideau. Les décors de Catherine Bluwal sont tout simplement éblouissants dans leur dimension tant poétique que symbolique.

Le savant et l’artiste, les plus célèbres au monde, se rencontrent au gré des années et de leur propre évolution psychologique, face à ce XXème siècle tonitruant. Avec pour toile de fond la découverte de la relativité, l’exil aux USA pour les deux hommes, la présentation des Lumières de la Ville de Chaplin (à laquelle Einstein assista pour de vrai), la montée du nazisme, les coulisses de la création du Dictateur de Chaplin, celles des recherches d’Einstein, la Seconde Guerre mondiale, la bombe nucléaire, le maccarthysme, etc.

Et c’est ainsi que se construit l’échange entre les deux grands hommes. Un échange qi n’est pas toujours rose et qui interroge notre propre conception de l’Histoire en perpétuel mouvement. Comme les entrées et sorties de scène intempestives de la gouvernante d’Einstein (Elisa Benizio débordante d’énergie) qui animent aussi cette conversation à bâtons rompus.

Daniel Russo et Jean-Pierre Lorit, dans leurs costumes et apparences jamais outranciers, sont les magnifiques interprètes de ce voyage dans cet épisode singulier de notre humanité.

Christophe Lidon renoue ici avec la tradition du Théâtre Montparnasse, si chère à son ancienne directrice, la regrettée Myriam de Colombi de raconter sur scène des rencontres au sommet : nous faisant côtoyer Mazarin (Claude Rich), Clémenceau (Claude Brasseur), Monet (Michel Aumont) ou Jeanne d’Arc (Sara Giraudeau).

Un vrai rendez-vous de théâtre à ne surtout pas manquer.


Artistik rezo

Quand deux génies se rencontrent, les étincelles illuminent le ciel. Et quand ces génies ont en partage un humour et une humanité sans bornes, le théâtre peut s’inviter chez eux pour raconter leur rencontre, leurs souvenirs, leurs émotions partagées. C’est en 1931, à la première de son film Les lumières de la ville, que Charlie Chaplin, star internationale, fait la connaissance d’Albert Einstein, le père de la relativité moderne. L’écrivain Olivier Dutaillis a tissé une pièce lumineuse, en écho à l’amitié profonde entre les deux hommes, à travers trois époques différentes. Nous sommes en Amérique, chez Einstein qui s’y est installé définitivement, devenant citoyen américain depuis l’arrivée de Hitler en Allemagne en 1933.

Poursuivant activement ses recherches scientifiques, il ne cessera toute sa vie de manifester publiquement ses opinions pacifistes, anti-racistes et libertaires. Charlie Chaplin partage cette manière de voir le monde, peignant la misère et la quête de fraternité et d’amour dans tous ses films. Daniel Russo est Einsten, moustache blanche et baskets face à Jean-Pierre Lorit qui campe finement Chaplin. Le beau décor de Catherine Bluwal, qui dessine une antre musicale et poétique, est un parfait écrin. Elisa Benizio, renversante et comique gouvernant d’Einstein, ponctue les scènes. Mis en scène par Christophe Lidon, ce voyage dans le temps nous réconcilie avec l’humanité.


Le billet de Bruno

Albert et Charlie d’Olivier Dutaillis dans une mise en scène de Christophe Lidon sur la scène du Théâtre Montparnasse est une rencontre savoureuse aux dialogues pittoresques entre deux génies du XXème siè
cle.

Christophe Lidon habitué à mettre en scène des personnages historiques comme par exemple Mazarin, Clémenceau, Monet ou encore Jeanne d’Arc, a pris un certain plaisir à mettre en scène la confrontation de deux hommes à la forte personnalité, en exposant devant un public conquis la vision humoristique proposée par Olivier Dutaillis.

Une vision intime de deux célèbres cerveaux opposés dans leur vision du monde, sous l’aspect d’une comédie qui donne à réfléchir sur le sens de la vie et livre moult anecdotes qui rendent encore plus attachants ces deux génies qui chacun dans leur domaine nous ont fascinés : Albert Einstein et Charlie Chaplin dit Charlot. Deux êtres d’exception à l’humour totalement différent mais joliment complémentaire.

Le très beau décor de Catherine Bluwal, éclairé à bon escient par Cyril Manetta, agrémenté des précieuses vidéos de Léonard, contribue largement à nous plonger dans cette atmosphère à la fois scientifique, avec les murs recouverts de formules mathématiques du bureau d’Albert à Princeton, et la poésie d’un acteur-réalisateur avec ce globe terrestre qui nous évoque tant de souvenirs, en passant par un piano attaché à la partition de Schubert, la tête à l’envers, sur des musiques de Cyril Giroux.

Olivier Dutaillis a su vulgariser cette confrontation en y ajoutant un personnage qui d’un premier abord pourrait sembler secondaire mais qui au contraire à une place de choix, celui d’Hélène, la gouvernante, secrétaire, infirmière et bien d’autres qualificatifs, du Professor Albert, qui tel un feu follet apporte une gaîté, un brin de folie, exploités à merveille par Christophe Lidon, assisté de Mia Koumpan, et interprété d’une façon magistrale par Elisa Benizio. Avec son délicieux petit accent, elle fait exploser dans ses papotages, notamment avec le public, des bulles de rire en sauvant les situations qui pourraient être dramatiques, telle une mère qui couve sa progéniture sous ses ailes protectrices.

L’un, Albert, plongé dans son monde scientifique, qui va rarement dans les salles obscures, portant particulièrement un intérêt à la poussière qui traverse le faisceau de lumière du projecteur, et l’autre, Charlie, qui a gardé ses yeux d’enfant pour montrer aux adultes la réalité du monde qu’ils traversent.

Des rencontres qui vagabondent sur trois périodes clés, trois cycles de vie au bouleversement de l’ordre mondial : 1938 avec la montée du nazisme et son dictateur, 1947 avec la bombe atomique d’Hiroshima, et 1952 avec le maccarthysme dans sa chasse aux sorcières dont Charlie en fera les frais jusqu’à son exil en Suisse.

Une réflexion sous-jacente, une vision effrayante de notre société où l’on saperçoit que malheureusement rien ne change…

Des épisodes qui fourmillent d’anecdotes « éducatives », créant une atmosphère émotionnelle, réconfortante, où le combat de chacun dans leur différences et leurs domaines de prédilection contribue à améliorer notre qualité de vie. Comme celle d’Albert qui sous couvert d’un refus de la discipline ne porte pas de chaussettes ou celle de Charlie qui dans une preuve d’amour épouse les actrices de ses films, l’une chassant l’autre…

Un Albert qui déplore l’anéantissement de la pensée pendant que Charlie défend bec et ongles son film du dictateur, son acte de résistance, devant un Einstein farouchement opposé, le tout dans un émerveillement partagé.

A la question de la pertinence de l’utilisation de la bombe atomique, Albert répond : on ne pourrait plus écouter Mozart. La folie des hommes est sans limite !

Mais aussi de la légèreté avec cette complicité dans la musique de jazz qui les réunit dans un moment où la pensée s’évade vers la Suisse, l’oasis de l’Europe.

Une partie de verre de vodka russe viendra aussi libérer les esprits en trinquant au FBI, marqueur de la propagation de rumeurs non fondées qui détruisent les vies d’honnêtes citoyens.

Une conclusion pragmatique d’Albert, qui porte à réflexion : Quand je travaille, je me demande comment Dieu a créé le monde. Je veux connaître ses pensées … Tout le reste n’est que détails.

Une mention particulière pour les costumes et perruques Chouchane Abello Tcherpachian qui ont transformé Daniel Russo dans le rôle d’Albert. Une sobriété de jeu, loin de ses rôles dans ses comédies loufoques, qui nous libre une autre facette surprenante de ce comédien à la renommée indiscutable.

Une écoute et une présence magnifiques rehaussées par un humour corrosif face à Charlie, interprété par Jean-Pierre Lorit à l’exil pétillant et malicieux. Son sourire éclatant donne de la lumière à cette histoire qui fera date dans les annales.

Les chroniques de Monsieur N

L’Histoire : Tout le monde connaît Charlie Chaplin (Jean-Pierre Lorit) et Albert Einstein (Daniel Russo). Ces deux géants dans chacun de leur domaine se sont rencontrés pour la première fois le 30 janvier 1931, lors de la venue d’Albert à l’Avant-Première des Lumières de la ville. Mais ce ne fut peut-être pas la seule rencontre de ces 2 grands noms… Entre 1938 et 1952 aux Etats-Unis, sous l’oeil pétillant d’Hélène (Elisa Benizio), la secrétaire et gouvernante d’Albert ; les deux hommes vont se retrouver face à face pour échanger, mais aussi s’affronter, sur trois événements importants de cette période ; dans lesquels l’un ou l’autre se retrouva confronté…

Mon avis : Imaginer trois rencontres entre ces deux géants que sont Albert Einstein et Charlie Chaplin était une idée intéressante de la part d’Olivier Dutaillis ; ainsi que les voir s’admirer tout en se faisant face sur des sujets forts dans lesquels l’un ou l’autre joua un rôle important. Mélanger une admiration et des divergences d’idéaux apporte une certaine dose d’intensité dans ce « rapport de force » d’idéologie ; mais j’aurais aimé et espéré beaucoup plus d’intensité, de force, d’affrontement entre ces deux géants, surtout sur des thèmes comme le nazisme ou la bombe atomique. Là nous sommes plus sur un rapport d’admiration que sur un débat d’idée et un réel affrontement entre ces deux géants.

La mise en scène de Christophe Lidon est d’une réelle beauté ; une sorte de mélange entre réalité et onirisme où les étoiles se mélangent aux formules d’Einstein et où la lune se balance face à nous de droite à gauche tel un pendule passant devant un écran circulaire qui fait office d’indicateur temporel et de saison avec comme point fixe la maison d’Einstein ; mais également de projecteur d’images qui, bien que paraissant venir de l’esprit et l’imagination de celui qui parle, deviendra des faits réels quelques année plus tard.

On ne peut que saluer la performance des trois comédiens qui donnent ou redonnent vie aux trois protagonistes de ces rencontres. Même s’ils ne ressemblent ni à Einstein ni à Chaplin ; Daniel Russo et Jean-Pierre Lorit nous offrent deux belles versions de ces deux géants. Par une tignasse de cheveux blancs hirsutes et décoiffés et une moustache tout aussi blanche et bien fournie ; Daniel Russo nous offre un attendrissant Albert, vieillissant et un peu perdu dans sa tête depuis la disparition de sa femme, allant jusqu’à mélanger les films de Chaplin avec ceux des autres grands noms du cinéma de la même époque ; mais gardant de sa lucidité et de sa conviction pour défendre ses opinions et ses idéaux. Jean-Pierre Lorit s’amuse et met toute sa verve et sa passion au service de Charlie ; prêt à défendre l’idée inconcevable de son prochain film, tout en amusant Hélène qui est fan de lui et en disant ce qu’il pense de la Bombe à Albert ; et en s’inquiétant sur l’avenir à cause de cet exil subit et sur la santé de son ami. Elisa Benizio apporte beaucoup de douceur, de lumière, d’humour et de vie au personnage d’Hélène, la gouvernante d’Albert qui voue une telle admiration à Charlie. Elle sera non pas l’arbitre qui va donner tort ou raison à l’un ou à l’autre ; mais plutôt celle qui remet un peu les pieds sur terre (à coup de citronnade) à ces deux génies tutoyant les étoiles ; car, bien qu’ils soient des sommités dans leurs domaines respectifs, ils sont avant tout des hommes qui s’admirent mutuellement et qui doutent en permanence ; que ce soit de l’Homme ou d’eux-mêmes.

Si Chaplin et Einstein s’étaient vraiment autant rencontrés ; seraient-ils restés face à face à s’admirer en se jetant des fleurs ; ou au contraire se seraient-ils dit ce qu’ils avaient en eux sur les événements qui ont influencé leur vie et leur carrière. Du nazisme au Maccarthysme, en passant par la bombe atomique ; ces deux êtres qui n’avaient pas d raison de rencontrer vos lier une tendre amitié qui aura un impact sur leur vie future…


Agoravox

Quand le rideau se lève, toute la scène est occupée par le décor stupéfiant d’un appartement ceint d’un immense tableau noir rempli à la craie de formules mathématiques dont l’équation E=mc2 ainsi que de figures géométriques, telle une ellipse révélant l’antre d’un savant.

Une fenêtre haute laisse entrevoir un ciel fait d’étoiles et une très grosse planète plane au-dessus du plateau comme la projection mentale du maître du lieu. Ce décor symbolique est l’œuvre de Catherine Bluwal.

C’est dans l’intimité de cette pièce meublée côté jardin d’un opulent bureau, côté cours d’un piano sur lequel sont posées une partition de Schubert et une mappemonde, que vont se confronter deux hommes de renommée internationale que tout pourrait opposer en apparence :

D’un côté, Albert Einstein, hirsute, vêtu d’une veste informe, assis derrière son bureau, maugréant sur l’état du monde, lisant les journaux, les balançant rageusement au sol, de l’autre Charlie Chaplin de 10 ans son cadet, cinéaste fringant, alerte, venu lui rendre une première visite à l’Université de Princeton. Nous sommes en 1938, les nouvelles du monde ne sont guère réjouissantes…

Tous deux sont exilés aux USA. Einstein est resté en Allemagne jusqu’en 1933, date à laquelle Adolf Hitler a pris le pouvoir. Le physicien a alors renoncé à sa citoyenneté allemande et s’est installé aux Etats-Unis pour devenir professeur de physique théorique. Il deviendra citoyen américain en 1940. Point commun avec Chaplin qui vit à Beverly Hills, ce sont deux pacifistes.

Ce dernier avait invité précédemment le physicien et sa femme à découvrir en avant-première « Les lumières de la ville » à Los Angeles. Une photographie en noir et blanc projetée montre les deux grands hommes cote à côte en nœud papillon.

Le prestigieux réalisateur vient retrouver Albert pour lui faire part de son projet cinématographique, réaliser son 1er film parlant en interprétant par le burlesque un personnage inspiré du Führer, se mesurer à Hitler avec les armes du cinéma en le tournant en dérision, traiter la tyrannie par le biais de la satire et de la parodie.

Pour Albert, c’est absolument inconcevable de faire rire sur un tel sujet et brocarder ainsi par le comique la barbarie menaçante.

Albert ne croyait pas à la force du cinéma comme arme de guerre pour dénoncer la brutalité d’un régime totalitaire. Pourtant Charlie allait s’engager personnellement et combatte à sa manière en faveur de l’idéal démocratique et de la paix avec son film prémonitoire et génialement satirique « Le Dictateur » qui sortira sur les écrans en 1940.

Daniel Russo, tignasse blanche en bataille, est la parfaite illustration du scientifique un peu fou, bougon, lunatique ; Jean-Pierre Lorit, lui, s’est glissé dans la peau du cinéaste avec une grande finesse et beaucoup d’élégance.

Lors de cette première rencontre, celui-ci caresse symboliquement la mappemonde qui nous renvoie immédiatement, en miroir, la scène d’anthologie d’un ballon d’hélium figurant le globe terrestre tournoyant entre les mains du dictateur hystérique sur une musique de Wagner jusqu’à son explosion !

Outre leurs désaccords traités avec une bienveillance mutuelle, on assiste à un face-à-face émaillé de saillies percutantes :

« Ceux qui aiment marcher en rangs sur une musique : ce ne peut être que par erreur qu’ils ont reçu un cerveau, une moelle épinière leur suffirait amplement ».

« Hitler et Charlot ont la même moustache. Je pense qu’Hitler me l’a volée pour s’approprier la popularité de Charlot… Voilà au moins un putsch qui a échoué ! »

« Le nationalisme est une maladie infantile. C’est la rougeole de l’humanité ».

Entre les deux hommes, l’un nerveux et impulsif, l’autre flegmatique et charmeur, s’interpose régulièrement Hélène, la gouvernante, pour donner son avis ou pour calmer le jeu.

Celle-ci a un rapport presque filial avec Albert qu’elle surprotège, elle lui est entièrement dévouée. Tel un chef d’orchestre, elle dirige les choses, prête à interrompre la discussion si celle-ci échauffe trop le Maître.

Avec un accent allemand plutôt cocasse, Elisa Benizio offre une prestance bluffante en modelant un personnage haut en couleurs, impressionné et émoustillé par Charlie qui lui jouera une petite scène de pantomime la faisant rire aux éclats.

Actrice instinctive, Elisa n’est pas sur scène sans fort ressembler, par intermittences, à sa mère l’artiste et humoriste Shirley alias Corinne Benizio (duo Shirley et Dino).

Après cette première entrevue immergée dans la montée angoissante du nazisme, deux autres visites auront lieu, en 1947 lors de l’après-Seconde Guerre mondiale et en 1952 sur fond de maccarthysme.

En 1947, ce sera au tour de Chaplin de marquer sa surprise, ne comprenant pas qu’Albert Einstein ait pu écrire une lettre au président Franklin D. Roosevelt afin de l’avertir que l’uranium pourrait être utilisé pour une bombe atomique et contrer ainsi les avancées de l’Allemagne nazie. Mais conscient du danger, il demandera, en vain par la suite, au président américain de renoncer à l’arme atomique, alors que ce projet en élaboration aboutira, hélas, à l’utilisation de la bombe sur Hiroshima et Nagasaki. Le savant ne cessera de regretter son initiative malheureuse.

Quant à Chaplin ses films sont boycottés, il est la cible d’attaques répétées, une campagne de presse s’acharne contre lui et il doit affronter une virulente « chasse aux sorcières anticommuniste.

En 1952, il décide de fuir les Etats-Unis avec sa dernière épouse et ses enfants. Il rend visite pour la dernière fois à Albert. Pourraient-ils encore se revoir ? Albert a 73 ans. Il décèdera en 1955. Charlie, lui, part dans un premier temps à Londres puis établira sa résidence permanente e Suisse pour y couler une retraite paisible.

Ces entretiens aux envolées lyriques proposés par Olivier Dutaillis permettent également d’opposer deux approches différentes du rapport à la vie.

L’un représente la science et le second la création artistique. Ainsi Einstein dit à Chaplin : « Ce que j’admire le plus dans votre art, c’est son universalité. Vous ne dites pas un mot, et pourtant, le monde entier vous comprend’. A quoi le second rétorque « c'est vrai, mais votre gloire est plus grande encore : le monde entier vous admire, alors que personne ne vous comprend ? ».

Christophe Lidon assure une mise en scène rythmée, dynamique, les échanges fusent sans aucune monotonie, entrecoupés par les interventions intempestives et pittoresques de la pétulante gouvernante à l’affût du moindre mot qui pourrait « énerver le professeur ».

Devant la gravité des évènements évoqués, l’humour instillé par la direction d’acteurs constitue, de fait, l’instrument pertinent, par excellence, pour cette création théâtrale.

 

 




en tournée janvier à mars 2024
Albert et Charlie